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Conserver notre patrimoine, plus nécessaire que jamais ?

Dernière mise à jour : 4 sept. 2021


Ruines de Pompéi, Italie.



On avance, on grandit et se construit grâce au passé, aux réussites mais également aux échecs qu’on a traversé. On se forge ainsi sous le terme d'humanité depuis des milliers d’années. Quoi de plus riche, de plus profond et révélateur si ce n’est l’Histoire, celle qui nous inspire la grandeur, le rêve, et nous éblouit par les héros qui l’ont marqué. Aujourd’hui, dans un élan profondément paradoxal à notre nature conservatrice, on la gâche, la détruit et la vandalise, nos repères avec. Aujourd’hui on est prêt à détruire des statues de héros de guerre, de figures de l’Histoire car leur image ne conviennent plus au socialement acceptable, un construit purement contemporain qui sévit dans nos sociétés vulnérables et malléables. On admet cela comme le progrès sans penser au fléau bien plus vaste qui se cache derrière : le renoncement. On renonce à notre culture, notre passé, nos ancêtres et traditions, ceux qui font notre puissance, notre empreinte ethnique et donc notre richesse. Je me balade dans les rues de ma Tunisie et je vois son patrimoine empiété, massacré, délabré, et je me pose chaque fois la même question : comment ces jeunes, malheureusement trop peu éduqués peuvent s’imaginer, apprendre et admirer notre passé si celui-ci se revend à qui le plus offrant ? Des promoteurs immobiliers qui construisent sur les ruines de Carthages, à la douane qui laisse aux squatteurs les bâtiments qui forment le cœur du centre ville, des bâtisses italiennes et françaises qui seules en racontent beaucoup. Nous sommes gentiment assis, spectateurs d’une destruction massive qu’on a déclenchée avec enthousiasme en pensant que celle-ci serait le remède à ces fameux échecs traversés. Ici, le passage des français se doit d’être à tout jamais enterré, aux Etats-Unis, plus question de croiser une statue à l’effigie d’un esclavagiste qui autrefois était admiré. On est tiraillés entre des enjeux superflus qu’on nous fait passer pour une lutte en faveur de l’égalité et le progrès, mais le fait est qu’on vole aux futures générations le droit d’apprendre, de comprendre et de constater. Le cercle vicieux se dessine et s’alimente à mesure qu’on avance, et l’urgence s’intensifie de même. L’Histoire se répète, à quoi bon essayer de l’effacer ? Pourquoi vouloir supprimer le beau, le sacré, et ce au profit de quoi ? Des sociétés bercées par un puissant nihilisme, ce despote bienveillant qui s’insère dans les modes de vie occidentaux, celui qui permet et valide cette destruction massive. Aujourd’hui, il me semble tout aussi urgent de diminuer notre empreinte carbone que de redoubler nos efforts en termes de sensibilisation, d’éducation et surtout d’éveil vis-à-vis de cette crise, celle du néant.


On observe un concept qui fait mot d’ordre aujourd’hui dans les médias, qui sont le reflet partiel de nos sociétés contemporaines : la mixité. Celle-ci est en effet l'essence même de la construction et de la richesse des civilisations telles qu’on les connaît, et on peut à ce titre citer une bonne dizaine d’exemples. Les grandes puissances qui régissent notre monde sont le fruit de croisades, de colonisations, de mélanges, d’unions qui ont sur des millénaires forgé les identités de chacune. A titre anecdotique : la France porte le nom de ses envahisseurs, les francs, car elle était avant ça la Gaule, les anglais portent le nom d’envahisseurs allemands, les russes de Scandinavie, etc. Ainsi, la mixité nous a porté, construit vers les identités qu’on porte aujourd’hui. Pourquoi donc devrions nous y poser une limite ? Il y a de ça un an, un immigré d’origine rwandaise a mis le feu et incendié la cathédrale de Nantes, puis un an après, donc très récemment a confessé au meurtre d’un prêtre qui l’a hebergé et accueuilli. Les deux notions que j’évoque ici se confrontent : d’une part, une atteinte claire a été portée à un lieu qui fait partie du patrimoine français, donc un acte lourd de sens, d’autre part le principe de mixité qui nous tient tous à coeur aujourd’hui a témoigné de ses propres limites : le choc identitaire de l’individu a alimenté en lui un désir de destruction, une potentielle vengeance d’un passé colonial incontestablement douloureux. Or cette personne, bien qu’accueillie à bras ouverts, n’a su faire fi de ce sentiment, et a réduit en cendres l’empreinte d’une histoire riche qui elle aussi a émergé de la mixité. L'ambiguïté est profonde, et la limite si fine que cet article n'apporte aucune réponse au problème soulevé. Ce que j’essaie de dire par tout ça, c’est simplement qu’Histoire et mélanges ont un rapport très fort, mais également très destructeur, et une fois encore de multiples exemples en témoignent (les conflits actuels, notamment israélo-palestinien ou en Afghanistan avec les Talibans). Sur ce point, il me semble que les bords politiques et les origines n’importent peu, car on espère tous au fond voir régner une certaine harmonie tout en protégeant, pour en revenir à mon idée première, notre patrimoine qui sur des milliers d’années s’est construit, marque de puissance, de symboles, de traditions et de l’ethnicité des peuples.


Nietzsche évoque une notion qu’il accole à l’Homme dans plusieurs de ses œuvres, notamment “Ainsi parlait Zarathoustra", la volonté de puissance. Selon lui, celle-ci correspond à l'ensemble des pulsions qui régissent l’Homme et le font tendre vers un objectif : la puissance. Il oppose cette notion à celle du nihilisme, qui selon lui est synonyme de décadence et d’amoralisme, fléau propre aux sociétés contemporaines. Si l’on reprend l’idée que Nietzsche défend dans la volonté de puissance, on peut lui trouver un lien direct avec l’un des moteurs de l’Histoire, en l’occurrence l’expansion, l’enrichissement, le pouvoir à travers notamment les grandes croisades que j’ai plus tôt évoquées. Or d’après lui, cette volonté de puissance ne résiderait pas seulement chez les dirigeants au pouvoir qui menaient ces croisades, mais chez chaque Homme, avide de pouvoir consumer ces pulsions. Quel parallèle avec le savoir et le patrimoine ? Celui-ci est simple : lorsqu’un peuple s’emparait d’une ville, de son contrôle et de ses ressources, chaque homme bien que se battant au nom de sa patrie entretenait un désir de possession et de reconnaissance car après tout, sans lui n’aurait eu lieu la victoire. Ainsi, des reliques, statues, et toutes traces de patrimoine confondues étaient volées, revendues parfois ou simplement accaparées pour en vanter la grandeur en son nom.


Aujourd’hui, on en constate deux grandes conséquences : d’une part, la vente privée d’oeuvres et richesses historiques qui existe toujours et se révèle extrêmement lucrative. D’autre part, est né récemment l’impératif de décolonisation et décentralisation des savoirs (qui découle d’ailleurs de la première conséquence). Si l’on se bat en Occident pour préserver notre patrimoine et sa grandeur, il est tout aussi important de se battre pour restituer cette large part qui ne nous appartient pas et qui fait la grandeur d’autres peuples. Cette idée s’inscrit dans le courant post-colonialiste et sa légitimité est irrévocable. Lorsque je parlais de mixité et de ses dangers pour l’Histoire, celui-ci en est un des principaux : autant l’Occident devrait protéger son histoire de ce dit désir de vengeance de la part de ces peuples auparavant humiliés et au patrimoine pillé, autant ce désir de vengeance peut se considérer légitime du temps où l'Occident ne le leur restituera pas.


L'équilibre entre ces deux grandes notions reste donc fin, fragile voire inexistant et il me semble primordial d’y mettre du nôtre afin de le rétablir et le préserver.




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